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La nouvelle centrale nucléaire française : une bombe à retardement ?

par Abdoul KH.D. Dieng - 25 Dec 2024 -
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Le plan ambitieux du président Emmanuel Macron pour relancer l'industrie nucléaire française vise la neutralité carbone d'ici 2050. Il met en évidence des défis importants, notamment les risques climatiques pour les sites nucléaires, comme la centrale de Gravelines, qui est confrontée à des menaces d'inondation en raison de la montée du niveau de la mer. En outre, l'article pointe du doigt les pénuries de main-d'œuvre, les inefficacités économiques et les risques géopolitiques, comme la dépendance de la France à l'uranium du Niger, comme des obstacles majeurs.


Malgré le scepticisme croissant de l’Europe à l’égard de la technologie nucléaire après Fukushima, le président français Emmanuel Macron a annoncé en 2021 la relance de l’industrie nucléaire de son pays. Le programme ambitieux de Macron vise à mettre fin à la dépendance du pays aux combustibles fossiles et à rendre la France neutre en carbone d’ici 2050. Le plan nécessitera la construction de 14 nouveaux réacteurs nucléaires. À première vue, les plans de Macron semblent logiques, car l’énergie nucléaire représente déjà 70 % de la consommation énergétique de la France et l’énergie nucléaire bon marché est l’épine dorsale de l’économie française depuis les années 1970. Cependant, les tactiques populistes du dirigeant français suscitent des interrogations parmi la population et les experts du pays, car les problèmes de l’industrie nucléaire – qui surgiront inévitablement bientôt – seront laissés aux générations futures pour qu’elles les résolvent après le départ de Macron.


Pas de place pour l’improvisation face aux risques climatiques


Dans son rapport du 3 octobre 2024, Greenpeace critique sévèrement le projet du gouvernement français de construire deux nouveaux réacteurs nucléaires EPR2 dans le nord-ouest de la France, près de Dunkerque, en raison du risque d'inondation. Les nouvelles unités doivent être opérationnelles d'ici 2040, mais le problème réside dans le site choisi pour la construction. Le site choisi est situé dans une région déjà exposée au risque d'inondation et deviendra de plus en plus vulnérable à mesure que le changement climatique s'aggrave.


La centrale nucléaire de Gravelines est actuellement la plus puissante d'Europe occidentale, avec déjà six réacteurs de 900 MW. Le groupe public français EDF a promis de construire deux autres réacteurs sur la même centrale, sur une plateforme de 11 mètres de haut pour la protéger des inondations. Selon les experts d'EDF, le projet de centrale nucléaire résistera suffisamment aux défis climatiques jusqu'en 2070. Mais ce n'est que le milieu de la durée de vie de la centrale, qui devrait durer 60 ans jusqu'en 2100. Son démantèlement est prévu pour le milieu du siècle prochain, et EDF promet d'« adapter » le projet aux conditions climatiques actuelles tous les 10 ans après 2070.


Cela paraît insensé, alors que le Programme des Nations Unies pour l’environnement met en garde contre une hausse des températures pouvant atteindre +3,1° C dans les décennies à venir, entraînant une élévation du niveau de la mer et une augmentation spectaculaire des phénomènes climatiques extrêmes. Les autorités françaises ont-elles déjà oublié la crue dévastatrice de la mer du Nord de 1953 et les nombreuses catastrophes survenues en France ces dernières années ? Aujourd’hui encore, la majeure partie de la zone autour de la centrale nucléaire se trouve sous le niveau de la mer lors des marées hautes, et seules les structures de protection construites à proximité, transformant la centrale nucléaire en une sorte d’« île », ont sauvé la région de la catastrophe. Depuis 2022, la centrale nucléaire de Gravelines est entourée d’un mur de protection de 3 kilomètres de long , qui coûte 35 millions d’euros à EDF. Combien EDF va-t-il encore dépenser pour assurer la sécurité de la centrale nucléaire, et que se passera-t-il si la nature s’avère plus puissante que les fortifications construites ?


La documentation du projet EDF contient trop de questions sans réponse, qui n'existent que grâce au clientélisme politique de Macron. Les faits montrent que la construction de nouveaux réacteurs représente un danger extrême pour la population locale et l'environnement. Les centrales nucléaires sont vulnérables au changement climatique et la course effrénée à la relance de l'industrie nucléaire doit être stoppée.


De nouveaux défis pour la renaissance nucléaire de Macron


En annonçant la relance de l'énergie nucléaire dans le pays, le président Macron a fait un pas formel vers la relance de la puissance économique, industrielle et militaire de la France. Cependant, l'économie française n'est pas encore prête à soutenir pleinement des projets aussi ambitieux.


Les projets ambitieux de Macron visant à construire 14 nouvelles unités nucléaires vont se heurter à une pénurie flagrante de personnel qualifié. L'industrie nucléaire française emploie actuellement environ 220 000 personnes. Pour atteindre les objectifs de Marcon, l'industrie aura besoin d'un afflux important de travailleurs qualifiés, en particulier dans la main-d'œuvre. D'ici 2030, selon les estimations d'EDF, leur nombre devra au moins doubler. Le calendrier de construction proposé est également impressionnant. La première unité de Gravelines avec le réacteur EPR-2 ne devrait prendre que huit ans à être achevée. Il convient de mentionner le tristement célèbre réacteur nucléaire de Flamanville en Normandie, qui a finalement coûté quatre fois son budget initial, atteignant 13,2 milliards d'euros , et a été lancé avec plus d'une décennie de retard. 


La perte des gisements d’uranium en Afrique


La France est particulièrement préoccupée par l'exploitation de l'uranium du Niger et les conséquences potentielles d'une perte de son approvisionnement. Depuis plus de quatre décennies, la société Orano, détenue à 45 % par l'État français, développe de l'uranium dans les pays africains. Le Niger est l'un des trois plus grands fournisseurs de cette précieuse ressource naturelle de la France. Cependant, la récente révocation du permis d'exploitation d'uranium d'Orano au Niger jette le doute sur l'indépendance énergétique de la France. Des représentants des nouvelles autorités nigériennes ont déclaré que l'uranium servait à alimenter l'Europe en électricité depuis des décennies. Pourtant, l'Afrique de l'Ouest reste l'un des pays les plus pauvres du monde et n'a pas beaucoup profité des exportations. En outre, les risques économiques pour l'industrie nucléaire française incluent les prix de l'uranium qui ont atteint des sommets historiques , principalement en raison de la recherche par les pays européens de nouveaux fournisseurs d'énergie après 2022.


Selon Macron, la promotion des technologies nucléaires en France devrait conduire le pays à une indépendance totale vis-à-vis des approvisionnements étrangers en énergie et à la consolidation du statut de fleuron de l'industrie nucléaire française au sein de l'UE. Le problème est que Macron sait que ce ne sera pas à lui mais aux futures générations de politiciens français de résoudre les problèmes évoqués ci-dessus concernant sa politique nucléaire trompeuse. 


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