Geostratégie, Sécurité et Défense

IMG-LOGO
Accueil Quand l’Histoire Plie Face à l’Économie : Le Rapprochement de la Chine, du Japon et de la Corée du Sud
Monde

Quand l’Histoire Plie Face à l’Économie : Le Rapprochement de la Chine, du Japon et de la Corée du Sud

par Abdoul KH.D. Dieng - 31 Mar 2025 -
IMG

Les relations internationales sont un jeu d’équilibre où l’histoire, les intérêts économiques et les dynamiques géopolitiques s’entremêlent. Parmi les exemples les plus frappants de cette complexité, le rapprochement entre la Corée du Sud, la Chine et le Japon est emblématique. Ces trois nations, qui ont longtemps entretenu des relations marquées par des tensions historiques et des différends territoriaux, se trouvent aujourd’hui confrontées à une réalité qui les pousse à resserrer leurs liens. Cette évolution est notamment motivée par les politiques protectionnistes des États-Unis sous l’ère Trump, qui a instauré des barrières douanières affectant les économies asiatiques. Ainsi, la nécessité de promouvoir le commerce régional s’impose comme un impératif stratégique pour ces puissances économiques.


Ce rapprochement, bien que pragmatique, est loin d’être un processus naturel. La mémoire collective en Chine et en Corée du Sud est encore marquée par les exactions commises par le Japon durant la Seconde Guerre mondiale, ainsi que par des disputes territoriales récurrentes, notamment autour des îles Senkaku/Diaoyu et des rochers Liancourt. Toutefois, face à la montée de nouvelles menaces économiques et diplomatiques, les gouvernements des trois pays ont dû adapter leur posture. Les États-Unis, en imposant des tarifs douaniers élevés sur les importations asiatiques, ont involontairement accéléré cette dynamique de rapprochement. Les dirigeants de la Corée du Sud, de la Chine et du Japon ont ainsi trouvé un intérêt commun à renforcer leurs échanges commerciaux pour atténuer les effets de ces barrières protectionnistes.


L’un des premiers effets de cette coopération renforcée réside dans l’accélération des négociations en vue de la mise en place d’un partenariat économique régional plus structuré. Les discussions autour du Partenariat économique régional global (RCEP), qui inclut plusieurs nations asiatiques, ont pris un tournant décisif grâce à l’implication conjointe de ces trois grandes économies. Ce traité, qui vise à faciliter les échanges commerciaux en réduisant les barrières tarifaires et en harmonisant certaines normes économiques, illustre parfaitement la volonté de Séoul, Pékin et Tokyo de développer un marché asiatique plus intégré et résilient face aux fluctuations politiques internationales.


Sur le plan industriel, cette dynamique a également favorisé une intensification des investissements croisés entre les trois pays. Les entreprises japonaises, coréennes et chinoises ont cherché à diversifier leurs chaînes d’approvisionnement pour réduire leur dépendance aux marchés occidentaux. Cette coopération accrue se manifeste notamment dans les secteurs des hautes technologies, de l’automobile et des semi-conducteurs, où les échanges de savoir-faire et les partenariats stratégiques se sont multipliés. Samsung et TSMC, par exemple, ont renforcé leur collaboration avec des fournisseurs japonais de matériaux électroniques, tandis que les constructeurs automobiles chinois bénéficient d’un accès facilité à certaines innovations japonaises.


En outre, l’évolution de cette alliance économique ne se limite pas aux seules relations commerciales. Les gouvernements ont aussi pris conscience de l’importance de développer une coopération plus étroite dans des domaines comme la sécurité régionale, la transition énergétique et la gestion des crises sanitaires. La pandémie de Covid-19 a d’ailleurs été un révélateur de cette interdépendance croissante, poussant les trois nations à intensifier leurs efforts de coordination pour assurer l’approvisionnement en vaccins et la circulation des biens essentiels. Si la méfiance subsiste sur certains dossiers, cette crise a démontré qu’une approche concertée pouvait être bénéfique pour tous les acteurs impliqués.


Par ailleurs, l’impact de ce rapprochement ne se limite pas au seul continent asiatique. L’Europe, qui cherche à diversifier ses partenariats économiques face aux tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine, observe avec intérêt cette évolution. La possibilité de voir émerger un bloc économique asiatique plus uni pourrait redistribuer les cartes à l’échelle mondiale, en offrant une alternative plus stable aux échanges internationaux. Certains analystes estiment que cette alliance pourrait même affaiblir l’influence américaine dans la région, notamment en réduisant la dépendance des entreprises asiatiques vis-à-vis du dollar américain et en favorisant l’usage des monnaies locales dans les transactions internationales.


Toutefois, cette convergence d’intérêts économiques ne signifie pas pour autant l’effacement des tensions historiques. Les différends diplomatiques entre la Chine, le Japon et la Corée du Sud restent une réalité complexe à gérer, et des épisodes de crispation peuvent toujours surgir, notamment en période électorale ou lors d’incidents diplomatiques. La montée du nationalisme dans ces trois pays constitue un frein potentiel à l’approfondissement de cette coopération, et les enjeux mémoriels demeurent un sujet sensible que les gouvernements doivent manier avec précaution.


Malgré ces défis, il est indéniable que le contexte actuel pousse ces nations à privilégier une approche pragmatique et à mettre en avant leurs intérêts économiques communs. Loin d’être une alliance idéologique, ce rapprochement s’inscrit avant tout dans une logique de survie économique face aux bouleversements du commerce mondial. En tirant parti de leurs complémentarités et en renforçant leur interconnexion, la Corée du Sud, la Chine et le Japon démontrent leur capacité à s’adapter à un environnement international en mutation, tout en ouvrant la voie à de nouvelles formes de coopération en Asie.


Share:
0 Commentaire trouvé

Laisser un commentaire

Votre adresse mail ne seras pas communiquer *