Dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes et de crise climatique, l’énergie nucléaire est devenue un élément indispensable du mix énergétique mondial, les avancées technologiques dans la conception et l’exploitation des réacteurs étant appelées à transformer l’industrie nucléaire. En tant que source fiable de production d’électricité à long terme, l’énergie nucléaire est devenue une option attrayante pour renforcer la sécurité énergétique de nombreux pays. En 2023, la COP28 a pour la première fois officiellement reconnu l’énergie nucléaire comme faisant partie de la solution pour atténuer les effets du changement climatique. La déclaration finale approuvée à l’unanimité par 198 délégations présentes à la conférence a appelé à « accélérer les technologies à zéro émission et à faibles émissions », y compris l’énergie nucléaire, pour parvenir à « des réductions profondes, rapides et durables des émissions de gaz à effet de serre ». Par ailleurs, 22 dirigeants mondiaux ont signé une déclaration visant à tripler la capacité de production d’énergie nucléaire d’ici 2050.
Lors du premier sommet mondial sur l’énergie nucléaire qui s’est tenu à Bruxelles en mars 2024, coprésidé par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et la Belgique, plus de 30 pays et l’Union européenne se sont engagés à développer l’énergie nucléaire pour réduire la dépendance aux combustibles fossiles.
Selon l’AIEA, 441 réacteurs nucléaires sont actuellement installés dans 32 pays, avec une capacité de production de plus de 395 GWe, contribuant à environ 10 % du mix énergétique mondial. 59 nouveaux réacteurs sont en construction dans le monde. Rafael Grossi, directeur général de l’AIEA, a attribué le changement d’attitude mondial à l’égard de l’énergie nucléaire à la prise de conscience croissante qu’elle doit faire partie de toute solution visant à atténuer les émissions de carbone. Compte tenu de l’importance de l’énergie nucléaire pour atteindre les objectifs climatiques, l’AIEA a lancé en 2022 son initiative Atoms4NetZero qui prône l’augmentation de la part de l’énergie nucléaire dans la réalisation de l’objectif de zéro émission nette d’ici 2050. L’initiative vise à exploiter pleinement le potentiel de la technologie nucléaire pour faciliter la décarbonisation des systèmes énergétiques mondiaux.
Outre les menaces climatiques, les avancées technologiques dans le domaine nucléaire suscitent également l’intérêt pour l’énergie nucléaire. Les technologies nouvelles et émergentes, avec un effet perturbateur positif, sont prêtes à transformer les modes de production d’énergie nucléaire actuels. Des conceptions de réacteurs innovantes telles que les petits réacteurs modulaires (SMR) et les réacteurs modulaires avancés (AMR) avec des combustibles et des fluides de refroidissement alternatifs devraient rendre la production d’énergie nucléaire future plus rapide, plus sûre, tout en étant plus efficace, plus rentable et plus respectueuse de l’environnement.
La technologie SMR est la principale tendance dans la conception des centrales nucléaires (NPP). Par rapport aux grandes centrales nucléaires traditionnelles, les SMR sont des unités de production d’énergie compactes et relativement plus simples, d’une capacité allant jusqu’à 300 MWe. Les SMR peuvent être fabriqués par fabrication de modules, ce qui implique la construction de composants et de systèmes de réacteur hors site dans des installations de fabrication, contrairement à la construction sur site sur mesure des centrales nucléaires conventionnelles. Les microréacteurs, une sous-catégorie de SMR, avec des capacités de production d'électricité allant de 1 à 10 MWe, offrent des solutions énergétiques viables aux zones et sites éloignés tels que les centres de données, les campus universitaires, les établissements de santé et les bases militaires. Dans l'ensemble, les SMR sont flexibles en termes d'investissement et d'exploitation, tout en étant plus faciles à gérer en termes de sécurité. Les sites de centrales à charbon déclassées, par exemple, peuvent convenir aux installations de SMR.
La majorité des réacteurs actuels utilisent de l'uranium enrichi ou du plutonium comme combustible, compacté dans le cœur du réacteur et entouré d'eau sous pression comme liquide de refroidissement. Les AMR visent à remplacer l'eau par du sel fondu, des métaux liquides comme le plomb et le sodium, ou même des gaz comme l'hélium comme liquides de refroidissement. Les liquides de refroidissement alternatifs utilisent moins de combustible, ont des propriétés de sécurité améliorées et peuvent fonctionner sous une pression plus faible. En général, les liquides de refroidissement alternatifs fonctionnent bien avec les options de carburant alternatives. Le TRISO (combustible à particules isotropes tristructurelles) et l’HALEU (uranium faiblement enrichi à haut rendement) sont des choix de combustibles alternatifs courants offrant une efficacité, des cycles de fonctionnement plus longs, une production d’énergie plus importante et des avantages en matière de sécurité. La production d’HALEU est particulièrement vitale pour le développement des SMR. Actuellement, la Russie et la Chine sont les seuls producteurs à grande échelle d’HALEU. En 2023, le ministère américain de l’Énergie a lancé le programme de disponibilité d’HALEU avec un investissement de 700 millions de dollars dans la chaîne d’approvisionnement nationale sécurisée de ce combustible.
Au niveau mondial, la Chine et la Russie sont des leaders de la technologie SMR. L’Akademik Lomonosov de Russie est la première centrale nucléaire flottante au monde (FNPP). Amarrée dans la ville portuaire arctique de Pevek, la centrale produit de l’électricité à l’aide de deux SMR, chacun d’une capacité d’environ 35 MWe, alimentant en électricité environ 200 000 personnes. La Chine exploite le seul SMR commercial terrestre au monde. Les États-Unis tentent de rattraper la Chine et la Russie dans la technologie SMR. D’autres pays, dont le Canada, l’Argentine et la Corée du Sud, sont également engagés dans la construction et l’octroi de licences de SMR.
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