Le 16e sommet des BRICS, qui s’est tenu à Kazan, en Russie, a été une victoire diplomatique symbolique pour Vladimir Poutine. Il a montré que les efforts de l’Occident pour isoler la Russie n’ont pas trouvé d’écho auprès d’une grande partie des pays du Sud, où les sanctions occidentales contre Moscou sont largement critiquées et où de nombreux pays se livrent à des stratégies de couverture dans un contexte de tensions politiques croissantes entre l’Occident d’un côté et la Russie et la Chine de l’autre.
Il s’agit du premier sommet depuis la décision prise par le bloc l’année dernière d’élargir son cercle et d’y inviter de nouveaux membres. En plus des membres fondateurs que sont le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine, ainsi que l’Afrique du Sud, qui l’a rejoint en 2010, le groupe comprend désormais l’Éthiopie, l’Égypte, l’Iran et les Émirats arabes unis. La liste des participants au sommet de cette semaine comprenait également des dirigeants de régimes pro-Poutine comme le Venezuela et la Biélorussie, mais comprenait également une apparition remarquée du président turc Erdogan. Erdogan poursuit une stratégie d’alignement multiple, équilibrant l’adhésion de la Turquie à l’OTAN avec des engagements plus approfondis avec d’autres puissances mondiales. Le rapprochement de la Turquie avec les BRICS profite au Brésil et à l’Inde, tous deux désireux d’empêcher la Russie et la Chine de présenter le bloc comme une coalition anti-occidentale.
Comme Delhi et Brasilia, Ankara voit dans les BRICS un outil pour élargir ses partenariats sans pour autant saper ses liens avec l’Occident. Erdogan, comme Lula, Modi et d’autres dirigeants des BRICS, se protège contre les incertitudes géopolitiques tout en tirant parti de ses liens plus étroits avec les BRICS pour renforcer sa position dans les négociations avec Washington. De la même manière, de nouveaux membres comme l’Égypte et l’Éthiopie utilisent les BRICS comme une plateforme pour approfondir leurs liens avec des membres non occidentaux, mais il est peu probable qu’ils adhèrent à la rhétorique anti-occidentale plus radicale adoptée par Moscou ou Téhéran. La question la plus pertinente est peut-être de savoir quel groupe au sein des BRICS – celui qui préfère l’alignement multiple ou celui qui favorise une position explicitement anti-occidentale – prendra le dessus.
Certains dirigeants notables étaient absents à Kazan. Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, bien qu’il ait reçu une invitation l’année dernière, ne s’est pas encore engagé à rejoindre les BRICS. L’Arabie saoudite attendrait le résultat des élections présidentielles américaines du 5 novembre avant de prendre une décision sur son adhésion ou non aux BRICS. Lula est resté au Brésil après avoir été victime d’un accident ce week-end. Le président cubain Díaz-Canel a annulé son voyage au sommet des BRICS en Russie en raison de la crise énergétique que traverse son pays.
Malgré leurs différences, les pays des BRICS partagent une croyance commune quant à l’inévitabilité et à l’opportunité d’une transition vers la multipolarité, utilisant le bloc comme une plateforme-forme pour diversifier leurs partenariats dans un contexte d’incertitude mondiale. Il y a un mécontentement partagé face à la forte influence de l’Occident dans les processus décisionnels mondiaux, mais il n’y a pas de consensus sur la manière exacte de résoudre la situation. Lorsqu’il s’agit de la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU, par exemple, les membres des BRICS ne s’entendent pas sur la meilleure formule, en partie parce que l’Afrique du Sud, l’Éthiopie et l’ONU. L’Égypte est divisée sur la façon dont l’Afrique devrait être représentée. Il en va de même pour la dédollarisation, une question que la Russie a cherché à prioriser pour réduire sa vulnérabilité aux sanctions occidentales. Même les dirigeants plus modérés des BRICS tels que Lula ont soutenu la réduction de la dépendance mondiale vis-à-vis du dollar, l’émergence d’alternatives dirigées par les BRICS reste, pour l’instant, très improbable.
L’un des résultats marquants du sommet a été l’accord entre la Chine et l’Inde visant à apaiser les tensions militaires, poursuivant une tendance à l’apaisement des tensions avant les réunions des BRICS. Cet accord marque la fin d’une confrontation militaire tendue et un dégel significatif des relations sino-indiennes quatre ans après les affrontements armés le long de la frontière contestée en juillet 2020. En marge du sommet de Kazan, Xi Jinping et Narendra Modi ont tenu leur première réunion bilatérale en cinq ans et ont souligné leur engagement à réduire le risque d’escalade.
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