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Une guerre contre les civils : le sort tragique de Gaza aujourd’hui

par Abdoul KH.D. Dieng - 20 May 2025 -
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L’isolement de la population de Gaza est devenu quasiment absolu. Les frontières sont fermées, les convois humanitaires bloqués, et les rares aides qui parviennent aux ONG sur place sont insuffisantes pour répondre aux besoins d’un million et demi de personnes déplacées, affamées, traumatisées. Ce blocus total, instauré depuis des années, a désormais pris la forme d’un étau militaire et humanitaire qui semble destiné à briser toute résistance, à faire céder un peuple par la faim, la peur et l’usure. Loin d’être une opération limitée, il s’agit désormais d’une guerre d’usure contre une population civile. Les termes utilisés dans les déclarations officielles évoquent la neutralisation de factions armées, mais les bombes ne distinguent pas entre combattants et enfants réfugiés. Les restrictions ne font pas la différence entre des activistes et des mères cherchant de la farine.


Ce qui choque autant que l’ampleur de la tragédie, c’est l’inefficacité, voire la passivité, des puissances internationales. Les appels à la trêve ou aux corridors humanitaires se succèdent dans les enceintes diplomatiques, mais restent lettre morte sur le terrain. Les grandes organisations internationales expriment leur inquiétude, publient des rapports, dénoncent des violations du droit international, mais sans effet contraignant. Les États les plus influents oscillent entre silence diplomatique, soutien conditionnel à l’opération militaire, ou paralysie politique. L’ONU se retrouve, une fois de plus, incapable d’imposer ses résolutions, prisonnière des vétos et des alliances géopolitiques. L’Europe, divisée, envoie des signaux contradictoires. Les grandes puissances arabes, quant à elles, multiplient les sommets sans débouchés concrets. Face à ce vide diplomatique, Gaza meurt dans un silence institutionnel presque total.


Ce vide s’accompagne d’un sentiment d’abandon généralisé. La population de Gaza ne reçoit plus que des mots, des promesses, des mises en garde creuses. Les images diffusées sur les réseaux sociaux, prises au péril de la vie par des journalistes locaux, montrent des familles déambulant au milieu des ruines, des enfants blessés pleurant dans des couloirs d’hôpitaux sans anesthésie, des pères enterrant leurs enfants dans des fosses communes. Il ne s’agit plus d’une crise passagère ou d’un conflit ponctuel, mais d’un effondrement total du tissu social, sanitaire, économique et moral. Ceux qui vivaient déjà dans la précarité vivent désormais dans une forme de survie déshumanisée. Et le monde semble regarder ailleurs.


Pourtant, un autre monde existe, en parallèle. Dans de nombreuses capitales, de Londres à Jakarta, de New York à Cape Town, des manifestations massives rassemblent chaque semaine des milliers, parfois des dizaines de milliers de personnes. Des cortèges pacifiques qui crient leur indignation, réclament un cessez-le-feu, exigent que les gouvernements agissent. Ces voix de la rue rappellent que les peuples, eux, ne sont pas dupes. Ils voient, ils comprennent, ils s’indignent. Ils refusent que l’on banalise l’inacceptable. Ils brandissent des pancartes avec les visages des enfants disparus, ils récitent les noms, ils scandent les chiffres. Et parfois, ils se font violemment réprimer. Mais ils persistent, semaine après semaine, malgré l’indifférence des élites, malgré la censure, malgré les accusations d’extrémisme.


Ce décalage entre la rue et les institutions est frappant. Il révèle une fracture profonde entre les aspirations des sociétés civiles et les logiques des pouvoirs établis. Il montre aussi que le soutien à la dignité humaine, à la protection des civils, à la paix, n’est pas l’apanage d’un bord politique, ni d’une culture, ni d’une religion. C’est un cri universel. Et ce cri monte de plus en plus fort. Il traverse les frontières, il se propage à travers les réseaux sociaux, les campus universitaires, les milieux culturels. Il résonne dans les discours de certaines personnalités publiques qui osent sortir du silence. Ce cri ne suffit pas à sauver Gaza. Mais il sauve peut-être une part de notre humanité collective.


Il faut dire les choses clairement : la situation actuelle à Gaza dépasse le cadre d’un simple conflit. C’est une politique de destruction systématique d’un territoire, de sa population, de ses structures vitales. C’est une punition collective infligée à un peuple piégé, sans possibilité de fuite, sans protection, sans recours. Et cela, dans une ère où les droits humains sont censés être au cœur du système international. Il est désormais difficile de croire à la neutralité de certains médiateurs, à l’objectivité de certains relais d’information, ou à la volonté de désescalade de certaines puissances. Tout semble converger vers une volonté de redessiner la carte de Gaza, au prix du sang et de la souffrance de ses habitants.


Face à cela, que reste-t-il ? Il reste la mémoire. Celle des vies perdues. Celle des maisons détruites. Celle des générations brisées. Il reste la parole, pour raconter, documenter, témoigner. Il reste la solidarité entre les peuples. Il reste le refus. Le refus de considérer que la vie d’un enfant à Gaza vaut moins qu’une autre. Le refus d’accepter que la loi du plus fort prime sur le droit international. Le refus de normaliser l’inhumain. Et il reste l’espoir, ténu mais vital, que cette mobilisation mondiale parvienne un jour à infléchir le cours des événements, à imposer un changement, à reconstruire un avenir.


Car Gaza n’est pas qu’un champ de ruines. C’est aussi une terre de vie, de mémoire, de culture, de résistance. C’est un peuple digne, qui continue de s’accrocher à la vie malgré l’horreur. Chaque jour, des femmes accouchent sous les bombes. Des enseignants improvisent des classes dans des abris. Des médecins opèrent sans lumière ni matériel. Chaque acte de survie est un acte de courage. Et c’est peut-être là, dans cette ténacité silencieuse, que réside la plus grande leçon pour le reste du monde. Celle de ne jamais céder à l’indifférence. Celle de toujours regarder, de toujours écouter, de toujours raconter.

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