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Alaska 2025 : une étape diplomatique ou un simple interlude stratégique ?

par Abdoul KH.D. Dieng - 16 Aug 2025 -
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Le vendredi 15 août 2025, à 11 h 08 heure locale, sur la base interarmées Elmendorf-Richardson à Anchorage, en Alaska, un tapis rouge fut déroulé pour accueillir Vladimir Poutine à sa descente d’avion. Un décor soigneusement mis en scène autour d’une plateforme « ALASKA 2025 », ponctué d’une escadrille de F-22 Raptor et de B-2 en survol, renvoyait à l’histoire commune des deux pays, ici symboliquement unis autour de la guerre froide et d’une mémoire partagée longtemps mises sous tension. L’image de Poutine dans la limousine présidentielle américaine, surnommée « The Beast », a particulièrement marqué les esprits, alimentant critiques et débats aux États-Unis comme en Europe.


Les pourparlers ont débuté peu après, aux alentours de 11 h 32 AKDT, réunissant pour chaque camp trois participants : Trump flanqué du secrétaire d’État Marco Rubio et de son envoyé spécial Steve Witkoff, Poutine accompagné du ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et de l’un de ses conseillers, Youri Ouchakov. Ces discussions, bien que très attendues, n’ont duré que deux heures quarante-six, conclues vers 14 h 18, un timing bien plus court que les sept heures prévues initialement.


À la conférence de presse qui a suivi, à 14 h 58, ni l’un ni l’autre n’ont pris les questions des journalistes. Trump a qualifié la rencontre d’« extrêmement productive », évoquant un « grand progrès » avec « de nombreux points d’accord », sans toutefois préciser lesquels ni s’engager sur une issue concrète, affirmant que « pas d’accord tant qu’il n’y en a pas ». Il a laissé entendre qu’un sommet trilatéral pourrait se tenir prochainement, réunissant Zelenskyy, Poutine, voire lui-même selon la demande des parties. Poutine, pour sa part, a parlé d’une « compréhension » scellée lors des discussions, tout en réitérant ses revendications habituelles : la non-adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, la « dénazification » de l’Ukraine rune formulation vague visant à miner la légitimité de Zelenskyy et l’évacuation des causes profondes du conflit, estimant que la paix ne pourrait être durable sans cela.


Si, en apparence, un certain consensus aurait été trouvé, aucun engagement sur un cessez-le-feu n’a été pris. En parallèle aux déclarations diplomatiques, la réalité sur le terrain reste implacable : les frappes russes se sont poursuivies pendant la durée même de la rencontre, soulignant l’intransigeance de Moscou et la faiblesse des garanties réelles. Sur la scène internationale, les réactions ont été vives, notamment en Europe et en Ukraine. Des responsables européens ont rappelé fermement que la Russie ne peut pas se voir accorder un droit de veto sur les perspectives d’adhésion de l’Ukraine à l’UE ou à l’OTAN et que toute solution diplomatique doit impérativement inclure Volodymyr Zelenskyy.


Du côté américain, les démocrates se sont insurgés : le Sénateur Chuck Schumer a dénoncé ce qu’il a perçu comme une « mise en scène » favorable à Poutine, estimant que Trump lui avait offert une légitimité sans obtenir le moindre résultat en retour. Dans les commentaires stratégiques, plusieurs experts ont analysé avec prudence l’issue de ce sommet. Certains ont souligné qu’en l’absence de concessions concrètes, les États-Unis devraient répondre rapidement et avec force, notamment via de nouvelles sanctions massives ou un soutien militaire accru à l’Ukraine. D’autres ont insisté sur le fait que Poutine est parvenu à gagner du temps et à renforcer sa posture internationale sans céder sur l’essentiel, tandis que Trump, bien que sincère dans son souhait d’arrêter les combats, est resté vague sur les mesures à prendre.


Qu’attendre à court terme ? Il est probable que Trump téléphonera rapidement à Zelenskyy et aux alliés européens pour préparer une éventuelle rencontre trilatérale. Mais à moins que des initiatives tangibles soient mises sur la table notamment un cessez-le-feu défendable et des garanties de sécurité il est peu probable que cet objectif soit atteint. Les sanctions, pressions économiques et soutien militaire occidental risquent d’être intensifiés si Moscou continue d’éviter toute concession.


À long terme, cette rencontre pourrait marquer un tournant diplomatique : si elle se révèle être un simple effet d’image, alors la légitimité que Trump a conférée à Poutine pourrait renforcer la position de la Russie, tandis que l’Ukraine pourrait pâtir d’un recul dans les discussions de paix. À l’inverse, si Trump utilise son momentum pour pousser réellement à un accord, la diplomatie pourrait avancer mais cela nécessitera un alignement fort avec les alliés et une posture moins complaisante à l’égard de Moscou.


Dans tous les cas, ce sommet aura laissé l’image d’une scène théâtrale servie par un décor soigné, une rhétorique vague sur « l’avancement » de la paix, mais aucune avancée substantielle. C’est cette dynamique que les analystes et les parties prenantes surveilleront attentivement dans les jours et mois à venir pour mesurer si elle débouche, ou non, sur une véritable politique de paix ou reste une manœuvre symbolique sans effet tangible.

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