La Turquie a entamé un processus important mais mesuré en vue de rejoindre le groupe BRICS, une coalition d'économies émergentes qui cherche à défier la domination des institutions dirigées par l'Occident telles que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international. Bien que des mesures concrètes n'aient pas encore été prises pour atteindre cet objectif, un porte-parole du Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir en Turquie, Omer Celik, a confirmé le 3 septembre 2024 que des efforts étaient bel et bien en cours. Cette annonce fait suite à la précédente déclaration du président Recep Tayyip Erdogan en juin, où il a précisé que l'intérêt de la Turquie pour l'adhésion aux BRICS ne suggère pas un éloignement de ses aspirations à rejoindre d'autres groupes internationaux, en particulier l'Union européenne (UE), où la Turquie continue d'être un candidat officiel.
Si sa candidature est retenue, la Turquie deviendrait le premier membre de l'OTAN à rejoindre les BRICS, une organisation qui se positionne comme un contrepoids à l'ordre mondial dominé par l'Occident. La candidature officielle du pays à l'adhésion aux BRICS souligne son intention stratégique d'accroître son influence mondiale et d'établir de nouvelles relations au-delà de ses alliances occidentales traditionnelles, selon des sources proches du dossier.
L'administration Erdogan perçoit un changement global de l'influence géopolitique au détriment des économies développées. Cette démarche diplomatique reflète l'ambition de la Turquie de renforcer ses liens dans un monde multipolaire tout en maintenant ses engagements en tant que membre clé de l'OTAN. La Turquie, qui fait le lien géographique entre l'Europe et l'Asie, a soumis sa candidature pour rejoindre les BRICS il y a plusieurs mois, poussée par la frustration suscitée par la stagnation de sa quête de plusieurs décennies pour rejoindre l'UE, ainsi que par les tensions croissantes avec les autres membres de l'OTAN, notamment en raison des relations étroites que la Turquie entretient avec la Russie après la guerre en Ukraine de 2022. Le ministère des Affaires étrangères et la présidence turques ont choisi de ne pas commenter ces développements dans les forums publics.
Le président Erdogan a souligné que la Turquie ne pourrait réaliser son plein potentiel en tant que nation forte, prospère et influente qu'en renforçant simultanément ses relations avec les puissances orientales et occidentales. Il a averti que toute autre approche serait préjudiciable aux intérêts du pays. Ses remarques mettent en évidence les efforts de la Turquie pour guider un paysage mondial complexe, en cherchant à équilibrer ses allégeances entre l'Est et l'Ouest sans être contrainte à un choix binaire.
Le groupe des BRICS, formé à l'origine par le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud, représente certaines des plus grandes économies émergentes du monde. Plus tôt cette année, l'organisation s'est élargie pour inclure quatre nouveaux membres : l'Iran, les Émirats arabes unis, l'Éthiopie et l'Égypte. L'Arabie saoudite a également été invitée à se joindre à l'organisation, bien qu'elle n'ait pas encore officiellement accepté. La possibilité d'un nouvel élargissement devrait être discutée lors du prochain sommet des BRICS à Kazan, en Russie, prévu du 22 au 24 octobre. Des pays comme la Malaisie, la Thaïlande et l'Azerbaïdjan, un proche allié de la Turquie, ont également manifesté leur intérêt à se joindre à l'organisation.
Les BRICS se présentent comme une alternative aux institutions financières dominées par l’Occident, offrant aux nouveaux membres un accès potentiel au financement par l’intermédiaire de sa banque de développement et des opportunités de diversifier leurs relations politiques et commerciales. Le parti au pouvoir en Turquie, l’AKP, critique depuis longtemps les pays occidentaux pour avoir entravé ses ambitions de développement d’une industrie de défense autosuffisante et d’une économie robuste. Le président Erdogan a souvent appelé à une restructuration du Conseil de sécurité des Nations Unies pour inclure davantage de membres permanents, et il a manifesté son intérêt pour rejoindre l’Organisation de coopération de Shanghai, une alliance créée par la Russie et la Chine pour contrer l’OTAN.
Erdogan a affirmé que la Turquie n'avait pas à choisir entre l'Union européenne et l'Organisation de coopération de Shanghai, contrairement à ce que certains pourraient suggérer. Au contraire, la Turquie souhaite cultiver des relations avec ces deux organisations et d'autres, en vue d'obtenir des résultats mutuellement bénéfiques. Ses déclarations reflètent la stratégie plus large de la Turquie, qui consiste à s'engager auprès de plusieurs puissances mondiales pour maximiser son influence et ses opportunités.
L’expansion des BRICS est en grande partie due à la Chine, qui souhaite accroître son influence mondiale en s’alignant sur les nations traditionnellement alliées aux États-Unis. La candidature de la Turquie à l’adhésion aux BRICS s’inscrit dans le cadre de ses objectifs de politique étrangère plus larges, en particulier son désir de renforcer la coopération économique avec la Russie et la Chine. En devenant membre des BRICS, la Turquie souhaite se positionner comme un intermédiaire commercial clé entre l’Union européenne et l’Asie. Le pays aspire également à devenir une plaque tournante pour les exportations de gaz de Russie et d’Asie centrale, renforçant ainsi son importance stratégique sur les marchés mondiaux de l’énergie.
Outre ses ambitions dans les BRICS, le gouvernement d’Erdogan cherche activement à attirer les investissements des fabricants chinois de véhicules électriques. Ces entreprises pourraient tirer profit de l’union douanière de la Turquie avec l’UE, en utilisant potentiellement le pays comme une porte d’entrée pour étendre leur présence sur le marché européen. Le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan, a souligné l’importance des BRICS en tant qu’organisation qui contribue à la diversité des approches, des identités et des politiques au sein du système économique mondial après sa participation à une réunion des ministres des Affaires étrangères des BRICS en juin.
Malgré les efforts de la Turquie pour rejoindre les BRICS, le pays continue de poursuivre son objectif de longue date d'adhérer à l'Union européenne. Cet objectif reste essentiel, comme l'a réitéré Fidan après avoir participé à des pourparlers informels avec ses homologues de l'UE pour la première fois en cinq ans. Cette double approche reflète la volonté de la Turquie de maintenir un équilibre délicat entre le renforcement des liens avec les puissances orientales tout en visant une intégration plus profonde aux institutions occidentales.
La candidature de la Turquie aux BRICS représente une démarche stratégique visant à diversifier ses partenariats internationaux dans un monde de plus en plus multipolaire. Si le pays reste un membre engagé de l’OTAN et continue de chercher à adhérer à l’UE, sa candidature à l’adhésion aux BRICS signale un changement plus large dans sa politique étrangère. En s’engageant à la fois auprès des puissances orientales et occidentales, la Turquie se positionne comme un acteur polyvalent sur la scène mondiale, capable de guider des dynamiques géopolitiques complexes et de renforcer son influence sur la scène internationale.
Le succès de la candidature turque aux BRICS pourrait avoir des conséquences de grande portée, non seulement pour l’avenir économique et politique du pays, mais aussi pour le paysage géopolitique dans son ensemble. Alors que l’équilibre mondial continue d’évoluer, la capacité de la Turquie à nouer des liens solides avec les puissances orientales et occidentales sera cruciale pour déterminer son rôle dans l’élaboration de l’avenir des relations internationales. En poursuivant une politique étrangère à multiples facettes, la Turquie entend s’assurer une place de premier plan dans l’ordre mondial, capable d’influencer les résultats d’un monde en mutation rapide.
La candidature de la Turquie à l’adhésion aux BRICS représente une étape importante dans ses efforts continus pour renforcer son influence mondiale. Bien que des défis subsistent, notamment pour réconcilier ses alliances orientales et occidentales, les avantages potentiels de l’adhésion aux BRICS sont substantiels. Si elle réussit, la Turquie pourrait tirer parti de son adhésion aux BRICS pour renforcer ses liens économiques avec les marchés émergents, accroître son importance stratégique en tant que plaque tournante du commerce et se positionner comme une voix de premier plan dans le dialogue mondial sur les réformes économiques et politiques. Alors que le monde continue de se débattre avec des dynamiques de pouvoir changeantes, la diplomatie stratégique de la Turquie jouera un rôle essentiel dans la définition de l’avenir de la gouvernance mondiale.
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