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Diplomatie & Politique

La stratégie géopolitique de Donald Trump : un rapprochement avec la Russie et une distanciation avec l'Europe

par Abdoul KH.D. Dieng - 03 Mar 2025 -
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Depuis son retour à la présidence en 2025, Donald Trump a entrepris une refonte radicale de la politique étrangère des États-Unis, poursuivant et approfondissant sa stratégie de rapprochement avec la Russie tout en prenant ses distances avec l’Europe. Cette approche s’inscrit dans un cadre plus large de réorientation des alliances américaines, visant à recentrer les priorités géopolitiques sur la Chine et sur une redéfinition des engagements internationaux des États-Unis. Cette politique controversée soulève de nombreuses questions sur son impact à long terme sur la stabilité mondiale et sur l’avenir des relations transatlantiques.


La volonté de Trump de se rapprocher de la Russie s’est manifestée par plusieurs initiatives marquantes. Dès le début de son mandat, il a engagé des discussions avec Vladimir Poutine pour lever certaines sanctions économiques imposées par ses prédécesseurs, arguant que ces mesures nuisaient autant aux intérêts américains qu’aux relations diplomatiques avec Moscou. Il a également suspendu plusieurs exercices militaires conjoints avec l’OTAN à proximité des frontières russes, une décision interprétée par de nombreux analystes comme un signe de bonne volonté envers le Kremlin. En parallèle, l’administration Trump a réduit le financement de plusieurs programmes de soutien militaire à l’Ukraine, plaidant pour une résolution négociée du conflit, qui inclurait des concessions territoriales de la part de Kiev.


Cette posture vis-à-vis de la Russie repose sur une analyse stratégique propre à Trump et à ses conseillers : ils estiment que la véritable menace pour l’hégémonie américaine est la Chine, et qu’un partenariat, même tacite, avec Moscou permettrait de mieux contenir l’influence grandissante de Pékin. En outre, Trump considère que les interventions militaires et les tensions avec la Russie ont coûté trop cher aux États-Unis sans bénéfices clairs en retour. Selon lui, Washington doit se concentrer sur la protection de ses intérêts économiques et sécuritaires plutôt que de se poser en garant du statu quo international.


En revanche, cette nouvelle orientation a provoqué une rupture avec l’Europe. L’administration Trump a adopté un ton de plus en plus critique envers les alliés européens, les accusant de ne pas contribuer équitablement aux efforts de défense commune. Trump a notamment dénoncé la réticence de plusieurs pays membres de l’OTAN à respecter l’objectif des 2 % du PIB consacrés aux dépenses militaires, et a menacé à plusieurs reprises de réduire l’engagement américain au sein de l’Alliance atlantique. Cette attitude a exacerbé les tensions avec des dirigeants européens tels qu’Emmanuel Macron et Olaf Scholz, qui ont exprimé leur inquiétude quant à la fiabilité des États-Unis en tant qu’allié stratégique.


Dans le domaine économique, Trump a poursuivi sa politique protectionniste en imposant de nouvelles barrières tarifaires sur des produits européens, en particulier dans le secteur automobile et agricole. Il a également remis en question les accords commerciaux existants entre les États-Unis et l’Union européenne, prônant des négociations bilatérales plutôt que multilatérales, afin d’obtenir des accords plus favorables aux intérêts américains. Cette approche a entraîné une dégradation des relations commerciales transatlantiques et poussé l’UE à rechercher des alternatives, notamment en renforçant ses liens avec d’autres partenaires économiques, comme la Chine et l’Inde.


L’une des conséquences majeures de cette politique a été l’accélération des efforts européens pour développer une autonomie stratégique en matière de défense. Sous l’impulsion de la France et de l’Allemagne, des initiatives ont été lancées pour renforcer les capacités militaires européennes indépendamment de l’OTAN. Le Fonds européen de défense a vu son budget augmenter, et des discussions sur la création d’une force militaire européenne ont gagné en intensité. Par ailleurs, certains pays, notamment la Pologne et les États baltes, ont cherché à diversifier leurs partenariats sécuritaires en se rapprochant de pays comme le Royaume-Uni et le Japon, anticipant un possible retrait progressif des États-Unis de leurs engagements européens.


L’impact de cette réorientation géopolitique dépasse les seules relations entre les États-Unis, la Russie et l’Europe. La Chine observe avec attention cette évolution, cherchant à capitaliser sur la fragilisation des alliances occidentales. Pékin a intensifié ses efforts diplomatiques en Europe et en Russie, proposant de nouvelles initiatives économiques et stratégiques pour combler le vide laissé par l’Amérique. De son côté, la Russie profite de cette situation pour renforcer son influence en Europe de l’Est et dans certaines parties du Moyen-Orient, où le retrait américain a laissé un espace libre pour de nouveaux acteurs.


En conclusion, la stratégie de Donald Trump visant à se rapprocher de la Russie tout en se distanciant de l’Europe constitue un tournant majeur dans la politique étrangère américaine. Si cette approche vise à recentrer les efforts des États-Unis sur la Chine et à réduire les engagements militaires coûteux, elle comporte aussi des risques significatifs. La fragmentation des alliances occidentales pourrait affaiblir la position stratégique de l’Amérique à long terme, et l’abandon partiel de l’Europe comme allié privilégié risque de créer un vide géopolitique exploitable par d’autres puissances. Il reste à voir si cette nouvelle doctrine aboutira à un rééquilibrage global ou à une période d’instabilité accrue dans les relations internationales.


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