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Trump, Kigali et les mines : la RDC bradée pour une paix de façade

par Abdoul KH.D. Dieng - 03 Jul 2025 -
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Le 30 juin 2025, un traité de paix a été signé à Washington entre la République Démocratique du Congo et le Rwanda, sous l’égide inattendue de Donald Trump. Cet accord met officiellement fin à une escalade de tensions qui a culminé en février avec la prise de Goma par des rebelles soutenus par Kigali. L'événement, aussi spectaculaire que soudain, a bouleversé les équilibres dans la région des Grands Lacs, mais son aboutissement soulève des interrogations majeures sur la nature réelle de cette paix, ses bénéficiaires, et les intérêts sous-jacents à l’intervention américaine.


Ce traité est le fruit d’un retournement de situation où les rapports de force ont été brusquement redessinés. Après des années d’affrontements indirects, le Rwanda a décidé en début d’année d’intensifier son soutien aux forces du M23, qui ont lancé une offensive fulgurante sur Goma, la plus grande ville de l’est congolais. Face à une armée congolaise désorganisée et largement délaissée par ses partenaires internationaux, la ville est tombée en quelques jours. Cette victoire militaire, bien que temporaire, a permis à Kigali d’imposer un rapport de force favorable dans les négociations à venir. Alors que l’Union africaine et la CIRGL ont été écartées du processus diplomatique, les États-Unis sont intervenus, non pas par les canaux traditionnels du Département d’État, mais par l’entremise de Donald Trump, revenu au premier plan comme médiateur informel et influent grâce à ses réseaux d’affaires. Ce rôle de faiseur de paix auto-proclamé ne doit rien au hasard : les discussions tenues à Washington ont rapidement dévié d’un règlement humanitaire vers une renégociation des intérêts économiques autour des ressources minières congolaises.


Le traité prévoit un cessez-le-feu immédiat, un retrait progressif des rebelles du Nord-Kivu et la création d’une commission conjointe de gestion des ressources. Mais cette “paix” n’est pas une restitution de souveraineté. Elle est l’instauration d’un nouveau système de cogestion des richesses minières, sous supervision américaine, dans lequel le Rwanda obtient un accès privilégié au sous-sol congolais et les entreprises américaines — notamment dans les secteurs du cobalt et du lithium — se voient octroyer des concessions juteuses, à peine voilées par le vernis diplomatique. Pour le Rwanda, l’accord représente une victoire stratégique. Il a non seulement consolidé son influence militaire dans la région, mais aussi institutionnalisé son rôle économique dans l’exploitation du Kivu, au mépris de la souveraineté congolaise. Kigali, longtemps accusé d’alimenter des conflits pour piller les ressources, obtient ici une légitimité nouvelle, offerte par le parrainage américain.


Pour les États-Unis, et plus spécifiquement pour Trump, c’est une opération doublement gagnante. D’une part, elle offre un accès direct et structuré à des ressources essentielles à l’industrie technologique et énergétique américaine. D’autre part, elle permet à Trump de se réinventer en figure de paix, tout en consolidant des intérêts économiques qu’il a longtemps cultivés en Afrique via des fonds privés et des sociétés d’intermédiaires. L’image de l’homme d’affaires qui conclut des deals là où les diplomates échouent est relancée, mais à quel prix pour les populations locales ?


La grande perdante reste la RDC. Si la paix semble revenir à l’est, elle se paie d’un abandon partiel de souveraineté. Goma est certes libérée, mais l’influence militaire et économique du Rwanda est renforcée, tandis que Kinshasa apparaît avoir cédé sous la pression. L’État congolais, affaibli et divisé, a accepté un accord dicté davantage par la logique du plus fort que par celle du droit international. La société civile congolaise, exclue du processus, dénonce une paix imposée par l’extérieur, au mépris des souffrances accumulées depuis des décennies. Ce traité ne règle rien sur le fond : les groupes armés locaux persistent, les tensions ethniques ne sont pas résolues, et les réfugiés restent cantonnés dans des camps sans perspectives de retour. L’Union africaine, réduite au rôle de spectatrice, sort humiliée de cet épisode, tout comme les pays voisins qui n’ont eu aucun mot à dire dans une affaire qui redéfinit pourtant l'équilibre régional.


Ce traité de paix ne repose pas sur une volonté partagée de réconciliation, mais sur une redistribution des profits liés à l’exploitation des ressources naturelles. Il enterre un conflit par la promesse de dividendes à court terme pour les puissants, sans garantie pour les populations affectées. C’est une paix utile pour les investisseurs, favorable aux puissances étrangères, mais profondément injuste pour ceux qui subissent depuis des décennies la violence, l’oubli et l’exploitation. Plus que jamais, la RDC apparaît comme un pays dont la richesse reste sa principale malédiction. L’Afrique des Grands Lacs, elle, reste un théâtre d’ingérences, où les armes peuvent se taire, mais où les intérêts étrangers parlent toujours plus fort que les voix des peuples.


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